“Sans les questions qui m’ont été posées, sans les difficultés soulevées, sans les objections, je n’aurais sans doute pas vu se dessiner d’une façon aussi nette l’entreprise à laquelle, bon gré mal gré, je me trouve désormais lié. De là, la manière précautionneuse, boitillante de ce texte : à chaque instant, il prend distance, établit ses mesures de part et d’autre, tâtonne vers ses limites, se cogne sur ce qu’il ne veut pas dire, creuse des fossés pour définir son propre chemin. À chaque instant, il dénonce la confusion possible. Il décline son identité, non sans dire au préalable : je ne suis ni ceci ni cela. Ce n’est pas critique, la plupart du temps ; ce n’est point manière de dire que tout le monde s’est trompé à droite et à gauche. C’est définir un emplacement singulier par l’extériorité de ses voisinages ; c’est - plutôt que de vouloir réduire les autres au silence, en prétendant que leur propos est vain - essayer de définir cet espace blanc d’où je parle, et qui prend forme lentement dans un discours que je sens si précaire, si incertain encore.
- Vous n’êtes pas sûr de ce que vous dites ? Vous allez de nouveau changer, vous déplacer par rapport aux questions qu’on vouse pose, dire que les objections ne pointent pas réellement vers le lieu où vous vous prononcez ? Vous vous préparez à dire encore une fois que vous n’avez jamais été ce qu’on vous reproche d’être ? Vous aménagez déjà l’issue qui vous permettra […] de resurgir ailleurs et de narguer comme vous le faites maintenant : non, non, je ne suis pas là où vous me guettez, mais ici d’où je vous regarde en riant.
- Eh quoi, vous imaginez-vous que je prendrais tant de peine et tant de plaisir, croyez-vous que je m’y serais obstiné, tête baissé, si je ne préparais le labyrinthe où m’aventurer, déplacer mon propos, lui ouvrir des souterrains, l’enfoncer loin de lui-même, lui trouver des surplombs qui résument et déforment son parcours, où me perdre et appraître finalement à des voeux que je n’aurai jamaais plus à rencontrer.
”