“- Alors vous ne vous croyez pas supérieur à tous les critiques musicaux ?- Non, non ; pas pour l’instant ! J’use de mon droit individuel, simplement. […] . Les grands juges musicaux peuvent avoir raison, tous tant qu’ils sont. Mais moi, je suis moi, et je ne subordonnerai pas mon goût au jugement unanime du public. Si je n’aime pas une chose, je ne l’aime pas, voilà tout ; et rien au monde ne me fera l’aimer, parce que la grande majorité de mes contemporains l’aime, ou fait sembler de l’aimer. [..]- Mais vous savez la musique est une éducation, discuta Ruth, l’opéra surtout. Ne croyez-vous pas que…- Que je ne suis pas éduqué pour l’opéra ? fit-il vivement ? Elle fit un signe affirmatif.- Justement, dit-il. Et je me considère comme très heureux de n’avoir pas été pris quand j’étais petit. Si je l’avais été, ce soir j’aurais versé de douces larmes et les clowneries surannées de ce couple délirant n’auraient, à mes yeux, que mieux fait valoir la beauté de leur voix et celle de la musique. Vous avez raison. Oui, ce n’est qu’une affaire d’éducation. Mais à présent, je suis trop vieux : il me faut de la vérité ou rien du tout. Une illusion qui n’est qu’une parodie est un mensonge, tout simplement.” — Martin Eden, Jack London (p250) December 28, 2014 by Willy Braun