“Tenez ! je plonge ma figure dans l’herbe et l’odeur qu’aspirent mes narines évoque en moi mille pensées, mille rêves. C’est l’haleine de l’univers que j’ai respirée ; c’est sa chanson et son rire, sa douleur, ses larmes, ses luttes et sa mort. J’aimerais vous dire, à vous, à l’humanité entière, les visions évoquées en moi par cette odeur d’herbe…” — Martin Eden, Jack London (p155) December 28, 2014 by Willy Braun
“- Alors vous ne vous croyez pas supérieur à tous les critiques musicaux ?- Non, non ; pas pour l’instant ! J’use de mon droit individuel, simplement. […] . Les grands juges musicaux peuvent avoir raison, tous tant qu’ils sont. Mais moi, je suis moi, et je ne subordonnerai pas mon goût au jugement unanime du public. Si je n’aime pas une chose, je ne l’aime pas, voilà tout ; et rien au monde ne me fera l’aimer, parce que la grande majorité de mes contemporains l’aime, ou fait sembler de l’aimer. [..]- Mais vous savez la musique est une éducation, discuta Ruth, l’opéra surtout. Ne croyez-vous pas que…- Que je ne suis pas éduqué pour l’opéra ? fit-il vivement ? Elle fit un signe affirmatif.- Justement, dit-il. Et je me considère comme très heureux de n’avoir pas été pris quand j’étais petit. Si je l’avais été, ce soir j’aurais versé de douces larmes et les clowneries surannées de ce couple délirant n’auraient, à mes yeux, que mieux fait valoir la beauté de leur voix et celle de la musique. Vous avez raison. Oui, ce n’est qu’une affaire d’éducation. Mais à présent, je suis trop vieux : il me faut de la vérité ou rien du tout. Une illusion qui n’est qu’une parodie est un mensonge, tout simplement.” — Martin Eden, Jack London (p250) December 28, 2014 by Willy Braun
“– Je vais vous dire, interrompit Martin. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des rédacteurs sont des ratés, qui n’ont pas réussi comme écrivains. Ne croyez pas qu’ils préfèrent leur corvée bureaucratique, leur asservissement au public et aux commanditaires, à la joie d’écrire. Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par ces cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. Et ce sont ces gens-là – les moins qualifiés cependant – qui décident de ce qui doit ou non, être publié ! Ce sont ces gens-là, qui ont prouvé leur manque d’originalité et de talent, qui sont chargés de juger l’originalité et le talent des autres !” — Martin Eden - Jack London (p 318-319) December 28, 2014 by Willy Braun
“Et maintenant vous me gavez quand alors vous m’avez laissé mourir de faim, vous m’avez fermé votre maison, vous m’avez renié, tout ça parce que je ne voulais pas « chercher une situation ». J’étais le même, tout ce que j’ai fait était déjà fait. À présent, vous vous interrompez respectueusement quand je vous parle, vous vous suspendez à mes lèvres, vous buvez avec admiration la moindre de mes paroles. Je vous dis que votre parti est pourri, et au lieu de vous mettre en colère, vous faites « hum ! » et « ah ! » et vous admettez qu’il y a beaucoup de vrai dans ce que j’avance. Et pourquoi ? Non pas parce que je suis Martin Eden, un bon garçon, pas complètement idiot, mais parce que je suis célèbre, parce que j’ai de l’argent, beaucoup d’argent. Je vous dirais que la lune est un fromage vert, que vous applaudiriez, ou du moins que vous n’oseriez pas me contredire, parce que je suis riche. Et je suis le même qu’alors, quand vous me rouliez dans la boue, sous vos pieds.” — Martin Eden, Jack London (p438-439) December 28, 2014 by Willy Braun