“Kafka et Hasek nous confrontent donc à cet immense paradoxe : pendant l’époque des Temps modernes, la raison cartésienne corrodait l’une après l’autre toutes les valeurs héritées du Moyen Âge.Mais, au moment de la victoire totale de la raison, c’est l’irrationnel pur (la force ne voulant que son vouloir) qui s’emparera de la scène du monde parce qu’il n’y aura plus aucun système de valeurs communément admis qui pourra lui faire obstacle.Ce paradoxe, mis magistralement en lumière dans Les Somnambules de Hermann Broch, est un de ceux que j’aimerais appeler terminaux. Il y en a d’autres. Par exemple : les Temps modernes cultivaient lerêve d’une humanité qui, divisée en différentes civilisations séparées, trouverait un jour l’unité et, avec elle, la pais éternelle. Aujourd’hui, l’histoire de la planète fait, enfin, un tout indivisible, mais c’est la guerre, ambulante et perpétuelle, qui réalise et assure cette unité de l’humanité depuis longtemps rêvée. L’unité de l’humanité signifie : personne ne peut s’échapper nulle part.” — Kundera, L'art du roman, sur les paradoxes terminaux (chaque valeur, poussée à l'extrême se transforme en son inverse) February 28, 2015 by Willy Braun